Expériences
Enzymes restriction

2.
Les enzymes de restriction

Enzymes de restriction

Les enzymes de restriction sont des protéines synthétisées par des bactéries pour se protéger des infections de virus (bactériophages). Ces enzymes coupent l’ADN viral à des endroits spécifiques. Ce mécanisme de résistance aux bactériophages, dénommé restriction, fut étudié par W. Arber à l’Université de Genève dans les années 60. Il obtint avec  D. Nathans et H. Smith le prix Nobel de Médecine en 1978 pour la découverte et les applications des enzymes de restriction.

 

Thèmes: Enzymes de restriction, coupure de l'ADN, séparation par électrophorèse sur gel d'agarose, complexité des génomes, cartes de restriction.

 

Introduction: Lorsqu’un bactériophage infecte une bactérie, il lui « injecte » son ADN. Sans système de défense adapté, de nombreux bactériophages seront alors produits dans la bactérie qui sera finalement lysée. De manière à résister à cette infection la bactérie synthétise des enzymes de restriction qui vont fragmenter l'ADN viral étranger. Parallèlement, la bactérie possède des méthylases capables de modifier (méthyler) son propre ADN afin qu’il ne soit pas reconnu par les enzymes de restriction. 
Aujourd’hui plusieurs centaines d’enzymes de restriction différentes sont disponibles commercialement. Elles font parties des outils (ciseaux moléculaires) indispensables aux biologistes moléculaires. Ces outils permettent de couper l’ADN afin d’isoler certains fragments, de construire des cartes génétiques (cartes de restriction), de créer de nouvelles combinaisons d’ADN, etc. Les enzymes de restrictions ont permis l’avènement de la biologie moléculaire. 
Le nom d’une enzyme de restriction indique son origine: Sau3A provient de Staphylococcus aureus 3A, BamHI provient de Bacillus amyloliquefaciens H, EcoRI provient de Escherichia coliMspI provient de Moraxellaspecies, KpnI provient de Klebsiella pneumoniae. Ces enzymes reconnaissent et coupent des séquences de nucléotides très spécifiques appelées sites de restriction. Ces sites sont pour la plupart palindromiques, c'est-à-dire qu’ils sont composés de séquences nucléotidiques identiques sur les deux brins mais en orientations antiparallèles.

 

Un schéma représentant la coupure par l’enzyme EcoRI est visible ici 

 

Suivant le nombre de nucléotides reconnus, l'enzyme de restriction coupe l'ADN plus ou moins fréquemment. Par exemple, pour cette expérience nous utilisons deux enzymes différentes qui reconnaissent respectivement quatre et six nucléotides: MspI (CCGG) et BamHI (GGATCC). En moyenne ces deux enzymes coupent l'ADN toutes les 256 (44) et 4096 (46) paires de bases. Suivant l’enzyme de restriction, les extrémités des fragments obtenus peuvent être formées de deux brins d’égales longueurs, appelés "bouts francs" (blunt ends) ou présenter un brin plus long que l’autre. Dans ce cas l’extrémité est dénommée "bouts collants" (sticky ends). Des exemples de coupures engendrées par différentes enzymes sont représentés dans la figure ci-jointe.

 

 

L'EXPERIENCE: (cliquer pour voir le schéma de l'expérience)

L'ADN utilisé dans cette expérience est celui de plasmides que nous utilisons dans notre laboratoire. Les plasmides sont des ADN circulaires, relativement petits. Le plasmide pUC19 compte environ 2600 nucléotides. Il sert de "vecteur" pour cloner des gènes. Le plasmide pUC19-TIF1 contient en plus un fragment d'ADN de levure d'environ 5800 paires de bases. En comparaison, l'ADN du bactériophage l (lambda) est plus grand (environ 50'000 paires de bases, 50kpb), le chromosome d'une bactérie (Escherichia coli) contient 3'500'000 paires de bases (3’500 kpb), le génome d'une levure (2 x 16 chromosomes) contient 2x 14'000'000 paires de bases (14'000 kbp) et les 2 x 23 chromosomes d'un être humain contiennent 2 x 3'000'000'000 bp (6'000'000 kbp). En longueur cela correspond à 1.4 mm pour le chromosome bactérien, 4.3 mm pour les chromosomes de la levure et 2 m pour les chromosomes d'un être humain.

 

Protocole :
Pour des raisons de difficulté de pipettage et de temps, nous conseillons que 4 groupes digèrent le plasmide pUC19 (tubes 1, 2, 3) et les 4 autres groupes digèrent le plasmide pUC19-TIF1 (tubes 4, 5, 6).

 

1) Digestion :

  • Numéroter 6 tubes Eppendorf.
  • Ajouter les éléments comme décrit dans le tableau ci-dessous (les volumes sont en µl).

 

  H2O pUC19 pUC19-tif1

Tampon de

digestion 10x

BamHi MspI
tube 1 12.5 µl 1 µl - 1.5 µl - -
tube 2 11.5 µl 1 µl - 1.5 µl 1 µl -
tube 3 8.5 µl 4 µl - 1.5 µl - 1 µl
tube 4 12.5 µl - 1 µl 1.5 µl - -
tube 5 11.5 µl - 1 µl 1.5 µl 1 µl -
tube 6 8.5 µl - 4 µl 1.5 µl - 1 µl

 

Attention :    Garder les enzymes de restriction sur glace - Utiliser une pointe neuve pour chaque pipetage

  • Mélanger en pipetant plusieurs fois
  • Incuber la réaction à 37°C de 30 à 60 minutes.

A cette étape il est possible de congeler les réactions et de poursuivre l'expérience lors d'une prochaine séance.

 

2)  Préparation du gel d’agarose

Le TBE 10x concentré doit être manipulé uniquement par les enseignants ou les préparateurs, en prenant soit de porter une blouse, des lunettes et des gants en nitrile. Le TBE 1x concentré peut sans problème être manipulé par les élèves, à conditions qu’ils respectent les mêmes conditions de sécurité.

Le TBE est toxique pour l’environnement, il ne faut donc pas le jeter à l’évier. Celui-ci doit être récupéré et éliminé par le biais de votre propre filière de traitement des produits chimiques.

Pendant la digestion préparer le gel d’agarose. Ce gel est une matrice permettant de séparer les molécules d'ADN selon leurs tailles dans un champ électrique. Les petits fragments migrent plus vite que les grands, la concentration d'agarose est choisie en fonction de la taille des fragments à séparer. Ici nous allons utiliser un gel à 1.5% d’agarose.

  • Peser 1.05 g d'agarose et mettez-le dans un Erlenmeyer de 250 ml.
  • Ajouter 70 ml de tampon d'électrophorèse (TBE 1x).
  • Faire bouillir  (four à micro-ondes, plaque chauffante ou bec bunsen). Veillez à ce que l’agarose ne déborde pas en bouillant ! L’agarose fondu est complètement transparent. Si des résidus sont toujours visibles, remettre la solution à chauffer.
  • Laisser refroidir le liquide (à environ 60°C).
  • Mettre des gants de protection
  • Ajouter 7 µl de SYBR-safe (intercalant qui permettra de visualiser l’ADN) et mélanger en agitant l’Erlenmeyer.
  • Verser l'agarose dans la cuve préparée avec un peigne pour former les puits (attention si l'agarose est trop chaud la cuve d'électrophorèse se déforme !). Verifier qu'il n'y a pas de bulles dans le gel, les enlever le cas échéant.
  • Lorsque le gel est refroidi et solidifié, découper une petite lamelle d’agarose en haut et en bas du gel pour libérer les électrodes, ajouter du tampon d'électrophorèse (TBE 1x) de manière à bien recouvrir le gel (env. 150 ml) et enlever le peigne.

 

3) Migration des échantillons sur gel d’agarose (voir le schéma)

  • Récupérer vos tubes Eppendorf
  • Ajouter 3 µl de tampon de charge (bleu). Cette solution dense permet de bien déposer les échantillons dans les puits du gel d'agarose. Elle contient un colorant bleu afin de suivre la migration des échantillons pendant l'électrophorèse
  • Charger le gel en mettant 5 µl de marqueur dans le premier puits et les 17 µl des digestions dans les puits suivants.
  • Allumer le transformateur.  Les molécules d'ADN sont chargées négativement par les groupements phosphates... (!! attention à la polarité; du noir vers le rouge !!)
  • Faire migrer à 100V.
  • Quand le bleu de migration arrive à environ 1 cm du bas du gel, arrêter le transformateur.
  • Mettre des gants et prendre le gel. Déposez-le sur la lampe bleue et mettez le filtre orange dessus afin de visualiser les fragments d’ADN.
  • Prendre une photo.

 

4) Analyse des résultats

  • Observer les cartes de restriction ci-dessous. (si besoin, les séquences en format texte sont disponibles ici: pUC19, pUC19-Tif)
  • Observer les fragments que vous avez obtenus. Repérez-les sur la carte de restriction. Certains ont des tailles trop proches pour être séparés sur gel d'agarose. Les fragments trop petits ne sont pas visibles sur ce gel à 1.5% d'agarose.
  • Les plasmides non digérés ont des formes particulières qui ne migrent pas à la taille de l'ADN linéaire.

 

 

 

Un exemple de résultat obtenu est visible ci-dessous:

 

Matériel fourni:

  • Boîte de pointes jaunes
  • Micropipettes P20
  • Bouteille d'eau stérile
  • Boite tubes Eppendorf 1,5 ml
  • Cuve d'électrophorèse
  • Tampon d'électrophorèse (TBE 1x)
  • Bloc chauffant
  • Agarose
  • Solution de SYBR-safe
  • Enzyme de restriction BamHI
  • Enzyme de restriction MspI
  • Tampon de restriction
  • Tampon de charge
  • Plasmide pUC19
  • Plasmide pUC19-TIF1
  • Marqueur de taille (électrophorèse)
  • Lampe bleue
  • Mini-centrifugeuse
  • Portoir tube eppendorf

Matériel non fourni:

L’Université de Genève décline toutes responsabilités en cas de dommages survenus durant les expériences.

BiOutils: l’interface de l’Université de Genève pour soutenir l'enseignement des Sciences de la Vie.